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Nicolas Duverger, directeur du CAUE du Finistère

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Portrait de Nicolas Duverger, directeur du CAUE du Finistère

« Un CAUE n’a pas de limites »

« Le CAUE a été pour moi une révélation ». Nicolas Duverger a grandi et fait ses études à Nantes. A la sortie du lycée, au début des années 1990, il hésite encore à devenir vétérinaire, avocat ou… architecte. C’est à l’occasion de journées portes ouvertes de l’école d’architecture de Nantes que Nicolas, enthousiaste, découvre le métier. « Vous ne gagnerez pas un rond, le métier est en crise » indique la prof qui fait visiter les lieux. Mais Nicolas réalise qu’il pourra mettre à profit ses talents de dessinateur et surtout découvre combien l’architecture repose sur la notion de projet, « un peu à la manière de ce qui est enseigné dans les écoles Montessori ou avec la méthode Freinet. C’est ce qui m’a plu. L’architecture permet d’agréger différentes matières, histoire, archéologie, géographie… ». La ville de Nantes vit à cette époque une petite révolution culturelle, les choses changent, se mettent en mouvement. Les amis de Nicolas se lancent dans la bande dessinée ou dans le cinéma. Lui a fait son choix : ce sera l’architecture.

Nicolas Duverger (image CAUE 29 / Julien Léon)

Mais le service militaire le rattrape. Par chance, Nicolas se retrouve à Angers dans le génie militaire puis à Rennes dans un bureau d’études de l’Armée. Il est en charge des bâtiments de casernement. « J’y apprendrai quand même des choses, notamment la rigueur et la méthodologie ». Sa vie personnelle va néanmoins changer radicalement : son premier enfant naît le lendemain de sa sortie de l’armée ! Nicolas est désormais en charge de famille. Doit-il se résigner à travailler en libéral ou à gratter dans une agence alors que le secteur est en difficulté ? La chance lui sourit : le CAUE de la Sarthe, alors dirigé par Arnaud Dutheil (aujourd’hui directeur du CAUE de Haute-Savoie), cherche un architecte à temps partiel pour apporter des conseils sur la restauration de façades des centres anciens protégés. Nicolas est embauché et s’attelle donc aux questions de patrimoine. Il rencontre des tailleurs de pierre, dialogue avec l’ABF. Il passe peu après à temps plein et fait ses armes dans le conseil aux collectivités. « C’est vraiment là que le CAUE a été une révélation pour moi : les rencontres, le contact avec les élus et avec les techniciens des collectivités, mais aussi le temps long. Le CAUE est une sorte de permanence. On ne peut pas se dérober. Le CAUE s’inscrit dans la durée ». Nicolas insiste aussi sur la notion de service public. « C’est l’un des derniers services qui reçoit physiquement des personnes alors que la plupart des organismes publics ou privés se déshumanisent et vous présentent, en fin de course, la facture ! ».

Formules originales

Au CAUE de la Sarthe, Nicolas Duverger obtient la confiance des directeurs et des présidents successifs. Il se souvient notamment de Fabien Lorne, conseiller départemental et président du CAUE. « C’était un homme de conviction qui s’est battu pour garantir l’indépendance du CAUE et ses valeurs. Il a su le consolider et le développer ». Nicolas vit alors une période de plein épanouissement professionnel. En 2002, il devient directeur adjoint et commence à développer avec l’équipe des formules originales et innovantes : le festival des Petites machines à habiter, en avance sur son temps avec les microarchitectures et les tiny-houses ; des concours d’idées pour valoriser les jeunes talents dont certains deviendront d’ailleurs des professionnels reconnus. « Un CAUE n’a pas de limite » estime Nicolas. Il permet de proposer des actions nouvelles, plusieurs types de médias et supports d’action, sur le terrain et dans la durée.

Nicolas devient directeur du CAUE de la Sarthe en 2006. C’est une nouvelle aventure qui se présente alors. Mais l’envie d’aller voir ailleurs le taraude bientôt, du côté de la Bretagne par exemple (sa mère est Quimpéroise). Cela fait des années qu’il se demande pourquoi il n’y plus de CAUE dans le Finistère. Il se rapproche alors d’élus locaux qui viennent de lancer une enquête auprès d’une centaine de communes finistériennes et des acteurs de l’architecture, de l’urbanisme et de l’aménagement. La FNCAUE les accompagne dès le début dans leur réflexion. L’enquête évalue la pertinence de (re)créer un CAUE et d’identifier son positionnement dans le jeu des acteurs locaux. Nicolas est alors recruté après la phase d’étude menée en interne par la direction de l’aménagement du Département. Parmi les élus porteurs du projet, Chantal Simon-Guillou, élue départementale du canton de Brest-Plouzané, qui déploiera toute son énergie pour la création d’un CAUE dans le Finistère.

En 2013, à la quasi-unanimité des voix des élus du département, le CAUE est finalement créé. Les conseillers départementaux souhaitent développer deux types de politiques publiques : les espaces naturels et le logement social. Nicolas y voit là les premières bases pour le développement des quatre missions du futur CAUE. Son travail consiste alors à mettre en œuvre la structure (stratégie, recrutements, organisation, représentation…). Le Finistère couvre des régions très variées : un littoral de 1 200 kilomètres, des zones intérieures encore préservées comme les monts d’Arrée… Aujourd’hui le CAUE du Finistère compte 9 collaborateurs. Mais son directeur continue de garder les pieds rivés au terrain : « J’aime faire du conseil au particulier et aux élus et intervenir en milieu scolaire ».

À rebrousse-poil

Nous vivons certes une « crise existentielle des départements ». Mais ne serait-ce pas aussi une simple question de vocabulaire ? « Aujourd’hui on parle de « mutualisation », « d’ingénierie » (plutôt que d’architecture), « d’agences territoriales » …, on perd l’objectif noble de la loi de 1977 ! » estime Nicolas. « Le CAUE doit agir à rebrousse-poil, renouveler ses pratiques, rester en contact avec le public, fédérer les acteurs du département autour de grands projets… avec le soutien du conseil d’administration » : le Printemps de l’architecture, des résidences de programmation, un club de la programmation active avec trois communes… Le fameux programme « PAF » pour Programmation Active en Finistère ! « On ne peut plus travailler selon la loi MOP.  Il est plus intéressant d’intriquer les étapes d’un projet en faisant intervenir des architectes et des paysagistes dans des résidences tout au long du processus, sur le modèle de ce que fait Patrick Bouchain ». Le CAUE du Finistère préfère les projets cousus main qui favorisent la réappropriation, les aménagements tactiques dans l’attente du vrai projet. « Il faut se distinguer des pratiques actuelles, de « l’approche globale », de la sédimentation des études qui sont parfois des rentes de situation pour certains bureaux d’études. Il faut encourager les actions nouvelles, le changement par petites touches ». Le CAUE ne craint pas de proposer aux élus des actions simples :  découpe de bitume, installation de mobilier urbain bricolé… « c’est de l’acupuncture urbaine, des points d’accroche qui vont ensuite innerver le reste du territoire ». Et les élus, trop souvent lassés par la sédimentation des études globales, de revitalisation ou de PLUi, se révèlent très partants pour ces micro-actions concrètes qui révèlent la qualité des espaces et leur rend leur fierté.

Dans cet esprit, le CAUE poursuit la promotion des jeunes talents avec son programme « JAPO » (Jeunes architectes et paysagistes à l’Ouest) ou encore le concours « Tire-toi une bûche » ­(le CAUE 29 n’est décidément jamais en reste pour les intitulés de ses actions !) qui stimule la création de mobilier urbain en auto-construction. En sont issus des kits prêts à l’emploi et libres de droits que les régies municipales peuvent s’approprier. Depuis peu, le CAUE s’implique dans le réaménagement des cours d’école. « Aujourd’hui, il est regrettable qu’il n’y ait pas de marchés publics pour les cours d’école ». Le CAUE étudie les modalités pour y faire intervenir systématiquement des paysagistes.

Grande polyvalence

« J’ai la chance d’avoir une équipe formidable ! » indique Nicolas dont le CAUE doit faire face à des sollicitations de plus en plus nombreuses de la part du département. Neuf salarié-e-s pour… 277 communes et pas loin d’un million d’habitants. L’équipe rassemble des profils divers et parfois très pointus : citons notamment une architecte diplômée de Chaillot, une architecte très expérimentée en planification et issue de l’agence d’urbanisme finistérienne, un paysagiste spécialiste de l’arbre, une autre du zéro-phyto, un paysagiste-géographe-murailleur, une architecte rompue aux résidences architecturales…  « Notre organisation n’est ni verticale ni pyramidale. Elle repose sur la polyvalence et l’écoute : nous devons être capables de parler à un enfant comme à un élu » estime Nicolas. « Cela nourrit notre pratique. De même, nous ne sommes pas territorialisés, les binômes changent régulièrement de secteur d’intervention ». L’année dernière, le CAUE a accompagné près de 120 dossiers de conseil aux collectivités, 500 particuliers et 2 500 élèves dans leurs classes. Il a conçu 10 expositions et participé à une dizaine d’émissions sur Tébéo TV. « Nous sommes au maximum de nos capacités avec un petit budget de 650 000 euros, mais nous avons l’habitude de concevoir nos projets avec peu de moyens » conclut Nicolas. Son seul regret : la faiblesse de l’organisation régionale. Non seulement il manque un CAUE en Ille-et-Vilaine mais la création d’union régionale de CAUE en 2017 à Mellionec, petit bourg choisi pour être proche du centre de gravité de la Bretagne, n’a finalement pas produit les fruits espérés.

Le CAUE demeure sans doute le dernier service public ouvert et qui œuvre en totale gratuité. Pourtant, Nicolas observe depuis quelques temps une curieuse nouveauté : « Nous remarquons de plus en plus une certaine agressivité de la part des particuliers. Mais c’est sans doute normal, nous sommes ouverts sur l’extérieur, nous agissons sans filtre, nous sommes exposés à leur exigence ». A contrario, et fort heureusement, « les élus sont ravis ! Avec une maigre cotisation de 50 euros, nous leur organisons des diagnostics en marchant, nous leur offrons généreusement des idées nouvelles, des schémas… Nous n’avons pas de limite… tout en restant le poil à gratter qui fera évoluer les projets ». Le CAUE est aujourd’hui reconnu et défendu par les élus. « Curieusement, ce sont moins les élus ou les alternances politiques que les strates administratives qui pourraient nous freiner. Nous entretenons en tout cas de bonnes relations avec l’agence technique départementale. Nous n’avons pas les mêmes profils, les mêmes objectifs ni les mêmes engagements. Nous sommes complémentaires ».

Preuve en est que CAUE du Finistère a su trouver sa place et imposé sa marque. Il est à l’image de son directeur : innovant, humain et vivant.

Y.H.

Tous nos remerciements à Nicolas Duverger

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[publié le 03/03/2022]
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