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Marie-France Barthet, présidente du CAUE de l’Aude

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FIGURES DE RÉSEAU
Portrait de Marie-France Barthet, présidente du CAUE de l’Aude, de l’Union régionale des CAUE d’Occitanie et administratrice de la FNCAUE

« Le CAUE est un moyen très concret pour entrer dans la vraie écologie »

Marie-France Barthet a voué sa vie entière à la science. « J’aurais aimé être architecte, ou philosophe, ou encore faire de la psychologie… mais j’ai finalement opté pour les mathématiques ». Marie-France Barthet est née à Toulouse dans un milieu modeste, « originaire d’un « quartier » comme on dit maintenant. Je n’avais donc aucun réseau, aucune relation qui aurait pu m’aider à démarrer ». Elle fait donc le choix des maths, une discipline qui échappe à l’influence du milieu social et au poids de la culture générale. Elle décide de se spécialiser en informatique. « Mon idée initiale était de m’intéresser à la robotique ». Elle entre alors comme assistante à l’université de Toulouse. Qui lui aurait dit que, quelques années après, elle en deviendrait la présidente ? Elle se consacre à la rédaction de deux thèses successives, l’une sur la « Définition d’un langage pivot d’interrogation de systèmes documentaires hétérogènes » (compréhension du langage naturel par les machines), la seconde sur la « Conception d’applications conversationnelles adaptées à l’utilisateur » (relations homme-machine). Marie-France place ses travaux à l’interface de plusieurs sciences, au croisement de plusieurs disciplines, informatique, linguistique, sciences cognitives. « J’étais curieuse de tout ! ».

© Idriss Bigou-Gilles / Département de l’Aude

Très vite, elle est promue conseillère scientifique et à l’enseignement supérieur. Elle devient déléguée régionale à la Recherche et à la Technologie en Midi-Pyrénées, puis chargée de mission auprès du Préfet de Région pour l’Enseignement supérieur, la Recherche et la Technologie, de 2004 à 2007. « On est toujours venu me chercher ! » précise-t’-elle. « J’étais avant tout une conseillère, une spécialiste, je n’étais pas politique ». En 2008, elle devient conseillère à la DATAR pour les pôles de compétitivité́ et l’innovation, l’enseignement supérieur et la recherche. Et enfin, elle est élue présidente de l’université fédérale de Toulouse-Midi-Pyrénées, qui fédère les universités, les écoles d’ingénieur et associe les organismes de recherche, CNRS, INRAE… Un parcours impressionnant qui va bientôt dépasser les frontières.

Sciences sans frontières

« L’avantage de la recherche, c’est qu’il y a beaucoup de conventions et beaucoup de voyages de travail » indique Marie-France Barthet qui aura beaucoup parcouru le monde. Les mathématiques sont un langage universel qui ouvre sur le monde, les sciences n’ont pas de frontières. En 2010, le Vietnam la sollicite pour créer une université au standard international. Marie-France préside dès lors le consortium pour le développement de l’Université des Sciences et Technologies de Hanoï. Il s’agit de rassembler une vingtaine d’universités dont Paris et Toulouse comme « pôles d’intérêt » pour organiser au Vietnam des cours, de former des étudiants qui prendront ensuite le relais, bref, de constituer de toutes pièces une université plus moderne.

A Moscou, elle se souvient de ce congrès des jeunes pour la culture scientifique et technique. « Je me souviens de ce beau moment marqué par un grand discours pour la paix. Il y avait des échanges, une grande coopération. Les publications russes en mathématiques se faisaient alors en français. Aujourd’hui, nous vivons une période triste, une rupture, moi qui croyais en la science comme contraire aux nationalismes… ».

Mais les voyages de travail ne s’arrêtent pas là. Marie-France Barthet se rend aussi régulièrement au Brésil, au Canada, en Chine… « Tous ces échanges étaient extrêmement enrichissants ». Là encore, Marie-France favorise les interfaces, crée des liens, encourage les rapprochements, notamment entre le public et le privé.

« Quand on fait de la recherche scientifique, on sait que le monde court à la catastrophe » estime Marie-France Barthet, très sensible aux questions écologiques. Longtemps restée en dehors des circuits politiques, elle finit par accepter l’invitation de la tête de liste des écologistes pour les élections régionales. « On est encore venu me chercher ! » précise-t-elle. « En tant que personnalité civile, cela ne m’intéresse pas d’être dans un parti. L’écologie, les inégalités, l’innovation me préoccupent, mais je ne trouve pas de parti politique qui englobe tout cela », et poursuit : « Le bien public devrait être un élément central, or notre société est violente, elle est traversée d’oppositions, de ces déchirures que l’on vit actuellement. Et les partis politiques ne sont pas épargnés ». C’est donc au titre de conseillère scientifique que Marie-France rejoint le groupe écologiste. Elle est élue en 2015 au conseil régional d’Occitanie où elle devient présidente de la commission Enseignement supérieur, Recherche et Innovation.

Nouveau port d’attache

Lorsque son mari prend sa retraite et que le couple s’installe sur la côte à Leucate sur le littoral audois, Marie-France fait encore pendant quelque temps la navette entre Toulouse et son nouveau port d’attache, sans compter ses déplacements de conseillère régionale dans toute l’Occitanie, « une très grande région ! ». Aussi, lorsqu’elle prend à son tour sa retraite — « je suis désormais professeure « émérite » ! » —, elle savoure enfin les attraits de ce beau pays qu’est Leucate et sa bande lagunaire, frontière linguistique du catalan. La ville compte 4 600 habitants et dispose malgré tout d’un beau budget grâce à ses 16 000 propriétaires effectifs, notamment de résidences secondaires. L’été, Leucate accueille jusqu’à 80 000 personnes ! Et pourtant, la ville dépense beaucoup et se trouve même en déficit budgétaire. En outre, la population n’est pas assez impliquée dans la vie locale. Marie-France décide donc, en infatigable combattante pour le lien social et le bien public, de créer l’association Leucate Citoyenne, « un regroupement de bonnes volontés en faveur de la transparence de vie publique, de l’écologie et du social » explique-t-elle. L’association se présente aux municipales et obtient 30 % des voix, un bon score pour une liste nouvelle face à un maire bien implanté et à un RN fort. « Mais 30 % ne suffisent pas avec notre système électoral, nous n’avons que 4 sièges au conseil municipal ».

Ce n’est pas grâce à la commune de Leucate que Marie-France a entendu parler du CAUE — « la ville n’a jamais fait appel à ses services, pourtant gratuits ! » — mais par ses nouvelles relations politiques et amicales dans l’Aude, lors de la nouvelle campagne des départementales en 2020, qui a vu l’alliance des écologistes et des socialistes dans le département de l’Aude. Les écologistes avaient repéré le travail du CAUE sur les questions environnementales. Et lorsque son ancien président s’est retiré de son mandat… « ils sont encore venus me chercher ! » s’amuse Marie-France. Le CAUE lui a tout de suite plu. « C’est un moyen, très concret pour entrer dans la vraie écologie ». Le CAUE propose une approche transversale qui plait à la scientifique. Il sait se positionner dans les évolutions sociétales actuelles, lancer de bonnes initiatives et affirmer sans cesse son rôle. Lorsque les guichets de conseil en énergie de l’ADEME ont fermé, le CAUE de l’Aude a ainsi repris le pôle de conseil en énergie, en particulier sur le photovoltaïque. « C’est un beau CAUE pour ce département peu peuplé. Il accompagne par exemple la restructuration des centres de village ou le développement des permis de végétaliser dans plusieurs communes, un très beau programme d’actions ».

En janvier dernier, Marie-France a été élue présidente de l’Union régionale des CAUE d’Occitanie. « Je suis très heureuse de ces nouvelles fonctions » indique-t-elle. Avec son réseau de connaissances et grâce à ses anciennes fonctions auprès du Préfet, elle compte faciliter le dialogue avec les instances régionales qu’elle connait bien : conseil régional, Dreal, Drac. Elle appuiera la préparation des prochaines Journées nationales de l’Architecture, le projet d’exposition sur la Mission Racine en préparation par les CAUE de la région, les travaux du Réseau Paysage d’Occitanie… Et pour s’impliquer totalement dans le réseau CAUE, Marie-France s’est encore une fois laissée convaincre de rejoindre, en novembre 2021, le conseil d’administration renouvelé de la Fédération nationale.

Marie-France Barthet n’a jamais oublié son milieu d’origine modeste. Elle a vécu un parcours universitaire brillant et a su mobiliser, tout au long de sa carrière, des convictions humaines au service de tous, bien ancrée dans son territoire occitan mais aussi au-delà des frontières. Elle a passé sa vie à créer des passerelles entre les disciplines et entre les personnes, à mettre en réseau de grandes institutions et à vivre pour une seule et même cause : l’intérêt général.

Y.H.

[publié le 27/04/2022]
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