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Dévitalisation des centres-villes : l’heure de la mobilisation générale ?

FNCAUE, 27 nov 2018

Archives Développement Territorial

Retour sur le colloque « Politique nationale de revitalisation des cœurs de ville et politiques locales de commerce : quelles synergies ? » organisé à Paris le 23 novembre par l’Institut pour la ville et le commerce.

France périphérique, diagonale du vide, déprise des villes moyennes, fermeture de services publics et perte d’attractivité de centres villes, crise des commerces physiques, évolution des modes de consommation… le thème du colloque national du 23 novembre de l’IVC[1] sur « Politique nationale de revitalisation des cœurs de ville et politiques locales de commerce : quelles synergies ? » entrait en résonnance avec l’actualité. Mais si les constats convergent globalement, les éléments déterminants de ces grandes évolutions font débat. Plus encore, la place de l’État, de ses opérateurs et des collectivités locales suscite des divergences d’appréciation sur fond de défiance entre le local et le national.

La future Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) « porte en elle la promesse d’un accompagnement amélioré des collectivités. Les élus locaux n’ont pas à prendre leur bâton de pèlerin », estime Sophie Duval-Huwart, directrice du développement des capacités des territoires au CGET. Elle sera notamment chargée des projets du plan Action cœur de ville et devrait être créée « au printemps voire à l’été » (voir L’agence de cohésion des territoires acte 1). La proposition de loi portant création de cette nouvelle agence, soutenue par le gouvernement, a été adoptée le 8 novembre au Sénat. Elle doit être discutée à l’Assemblée nationale vraisemblablement mi-février 2019. En l’état, elle regrouperait le CGET, l’Epareca[2] et l’Agence du numérique. Des mécanismes de coordination seront mis en place avec l’Anah, l’Anru, l’Ademe et le Cerema.

Au cas par cas ?

Les contours de l’ANCT, de ses missions et de ces moyens soulèvent des interrogations. Daniel Béhar, professeur en aménagement et urbanisme, consultant de la coopérative Acadie, regrette qu’il n’y ait « rien sur les transports et les déplacements ». Il met également en garde sur les relations entre l’État et les collectivités et les solutions de prêt-à-porter : « Nous avons totalement raté notre coup avec les dernières lois de décentralisation, en particulier avec la loi Notre. C’est le champ du cygne de ce taylorisme territorial ! ».

« Pour agir en faveur de la revitalisation des centres villes, il faut une connaissance fine des spécificités locales, des tissus urbains, des opérateurs, des propriétaires fonciers… Les diagnostics doivent être établis au cas pas cas », plaide Nadia Arab, sociologue et enseignante à l’Institut d’urbanisme de Paris. Selon la chercheuse, « le portage politique » ne suffit pas et la question de l’ingénierie est centrale, ajoutant que « même les agences d’urbanisme se disent incompétentes ».

« L’objectif est d’être agile et s’adapter à chacun des territoires », assure Sophie Duval-Huwart (CGET). L’État sera « un accompagnateur des projets » et « des études d’impact seront conduites ». Les plans et projets conclus avec les collectivités seront « évolutifs ». Ils « pourront être adaptés dans le temps » et « s’enrichir en permanence ».

Il convient toutefois de faire « attention au cas par cas », tempère Daniel Béhar. Selon lui, il est préférable de « construire des grands types de stratégie » au regard de la géographie des fragilités territoriales. Et d’en appeler à la possibilité d’adapter les grands dispositifs de l’État. Si l’expérimentation est possible durant 3 ans, les termes actuels de la Constitution ne le permettent pas.

Ingénierie et mobilisations

L’ANCT pourra compter sur la Banque des territoires de la CDC. « Le programme Action cœur de ville est un prototype », décrit Michel-François Dellanoy, directeur de programme Banque des territoires. « Nous avons des moyens d’ingénierie, des moyens de prêts et d’investissement ». L’offre serait « différenciée » et conçue comme du « bout en bout » et du « sans couture » avec une « prise en charge totale de l’accompagnement méthodologie pour les projets les moins avancés ».

Dans la corbeille de la mariée il y aura également l’Epareca. « Notre périmètre s’élargit aux ORT[3] », rappelle Marie Krier, responsable de l’innovation. L’établissement public travaille depuis 22 ans sur la revitalisation des commerces essentiellement dans des quartiers de politique de la ville et depuis 2014 dans les centres anciens. Il a « testé de manière opérationnelle l’effet levier de l’action publique » depuis les études préalables jusqu’à l’exploitation des points de vente. « Nous intervenons en dernier recours à défaut de Sem, d’EPL… et nous sommes bailleurs des actifs que nous avons restructurés ». Un savoir-faire qui repose sur un « travail de dentelle ». L’Epareca compte aujourd’hui une cinquantaine de personne.

L’Anah n’est pour l’heure plus dans le périmètre de l’ANCT. Pour autant, elle se mobilise dans le cadre d’Action cœur de ville. L’agence « financera le chef de projet », indique la directrice générale  Valérie Mancret-Taylor. Elle devrait également s’appuyer sur des travaux en cours. « Nous développons un outil de mesure de création de valeur sur un territoire, en particulier dans le rural et les centres-bourgs ». Un ensemble d’indicateurs sur l’économie locale, le tourisme, les commerces, les revenus, l’habitat… est actuellement testé pour « identifier l’ensemble des aides subventions et les gains et les dépenses évitées grâce à l’action publique ». Par ailleurs, l’Anah doit faire le bilan de conventions en cours avec des CCI expérimentées dans 4 régions.

Le local à l’action

La région Nouvelle Aquitaine « a pris à bras le corps » ces sujets via la compétence aménagement du territoire, décrit Laurence Rouède, conseillère régionale et présidente de l’EPF Nouvelle Aquitaine. L’élaboration en cours du Sraddet permet de contractualiser avec des territoires.  « Nous l’avons vu comme une opportunité » et « nous accompagnons les projets de revitalisation des centres-villes » en posant un certain nombre de conditions : limitation de l’étalement urbain, arrêt des m2 commerciaux en périphérie, politique des transports…

Les intercommunalités s’organisent également. Elles ont jusqu’à la fin de l’année pour définir ce qui revient aux communes et aux EPCI en matière de politique de commerce. 95 % des EPCI auront délibéré d’ici à la fin de l’année, selon Corinne Casanova vice-présidente de l’AdCF et membre de la CNAC.

La boîte à outils de l’urbanisme commercial et de la revitalisation territoriale s’étoffe donc, du moins sur le papier. Le document d’aménagement artisanal et commercial (DAAC) est à nouveau obligatoire dans les Scot ou dans les PLUI. Le régime et la composition des CDAC évoluent. Ce dont se réjouit l’élue locale. Corinne Casanova salue les « orientations aménagistes » qui se sont « renforcées » avec la loi Elan. La prise de conscience progresserait (circuits courts, consommations des terres…).

Toutefois, les projets de m2 commerciaux continuent de s’accumuler en particulier en périphérie. Tous ne sortiront pas de terre. La CNAC rendra son rapport d’activité le 5 décembre prochain.

C.R.

Site de l’IVC : https://www.institut-ville-commerce.fr/


[1] Institut pour la ville et le commerce
[2] Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux
[3] Opérations de revitalisation de territoire

[publié le 27/11/2018]

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